Garderl’identité de la foresterie parmi les défis mondiaux

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La foresterie doit rester pertinente dans un contexte plus large.

La foresterie doit rester pertinente dans un contexte plus large.

Un nouveau débat semble avoir émergé dans les milieux forestiers internationaux suite à notre récente initiative d’organiser un forum mondial sur les paysages à la Conférence des Parties de la CCNUCC à Varsovie en 2013.

La plupart des réactions à la jumelage de nos journées précédentes de la forêt et de l’agriculture ont été surtout positives et encourageantes. La création d’une alliance entre la foresterie et l’agriculture est une initiative audacieuse, qui est néanmoins largement appréciée. Ces partisans reconnaissent, tout comme nous, que la poursuite des approches sectorielles isolées de chaque côté d’une ligne arbitraire dans le paysage est généralement inefficace ; les solutions pour un avenir durable de la croissance verte doivent être coopératives et non divisées. Nos partenaires au sein du GCRAI et ceux au-delà partagent ce point de vue et soutiennent une approche paysagère.

Mais nous avons aussi entendu des arguments contre une telle approche. En prenant en compte l’occasion de collaborer avec nos collègues de l’agriculture, certains craignent que nous mettions l’identité de la foresterie en danger. Ils croient que la foresterie sera submergée par d’autres grands secteurs et intérêts telles que l’agriculture et la sécurité alimentaire.

Il semble aussi que le débat international sur la foresterie est plus étroit que jamais. J’ai récemment eu l’honneur de présenter un discours au Sommet mondial des forêts, une excellente conférence organisée par l´Economist à Stockholm les 5 et 6 mars. Mais jusqu´à la moitié de la conférence, un certain nombre de conférenciers avaient seulement parlé de la déforestation, de la gestion du carbone forestier et du commerce du carbone, et je me suis demandé – « est-ce que c´est cela qu´est devenue la foresterie ? » Bien que sans le vouloir, leurs contributions ne reflétaient pas les mots bien réfléchis de son Altesse Royale le prince de Galles, qui a approuvé, dans sa séance d’ouverture, une approche plus large du paysage pour relever les défis mondiaux auxquels est liée la foresterie.

Donc je demande : quand est-ce que la foresterie a t´elle commencé à descendre sur cette voie de la protection ? Pourquoi sont seulement quelques unes des questions liées à la foresterie présentes dans le débat international ? Pourquoi les liens entre la foresterie et les nombreux défis de développement de base – la pauvreté, la sécurité alimentaire, la santé et la croissance verte – sont-ils si absents dans le débat ? Je ne prétends pas avoir les réponses. Ce sont, cependant, des questions qui devraient être posées de nouveau quand nous fixons des priorités pour la recherche et le développement forestiers.

Tenons compte des résultats de la CNUED de 1992. En plus d’établir le processus principal de l’ONU pour le développement durable, le sommet a été le berceau des trois Conventions de Rio sur le Changement Climatique, la Biodiversité et la Désertification. Nous sommes tous conscients du haut niveau de ces conventions au cours des 20 dernières années, et leur impact sur l´agenda de la durabilité à la fois au niveau national et au niveau mondial dans d’autres processus intergouvernementaux tel que le G20. La communauté de foresterie a également eu de grands espoirs pour une convention allant envers la CNUED 1992, mais a seulement été récompensé avec les Principes forestiers non contraignants. Contrairement à ses cousins changement climatique, biodiversité et désertification, la foresterie n’était pas en tant que telle considérée comme un enjeu intergouvernemental, mais plutôt comme une question de souveraineté nationale ou de priorités locales. En conséquent, pas de convention.

Depuis lors, la foresterie internationale a lutté avec son statut de non-convention, reconnue pour apparemment toujours en tant qu´un enjeu secondaire dans d’autres processus tel que décrit dans cette édition Unasylva sur les Conventions mondiales relatives aux forêts. Au lieu de cela, le Forum des Nations Unies sur les forêts, le FNUF, est devenu quelque chose comme un remplaçant pour une convention sur les forêts. D’autres initiatives internationales relatives aux forêts tels que les critères et indicateurs de gestion durable des forêts, les plans d’action de foresterie tropicale, le Partenariat de collaboration sur les forêts, les commissions régionales des forêts de la FAO et le Comité des forêts, et une décision en 2011 d’établir une Convention européenne sur les forêts ont tous opéré à la suite de la CNUED de 1992, mais sans trop parvenir à la même attention politique que les Conventions de Rio et souvent avec une perspective centrée sur les forêts.

Puis vint la REDD. Presque comme un traitement de choc, la COP13 à Bali en 2007 a convenu de prendre des mesures pour réduire les émissions dues à la déforestation (principalement), et des donateurs ont mis de l’argent sur la table pour lancer le processus. Jamais auparavant des milliards de dollars provenant de donateurs ont été mis à disposition à des fins forestières internationales. Jamais auparavant autant de chefs d’État ont parlé avec tant de chaleur des forêts.

Les institutions forestières traditionnelles ont eu des réactions mitigées – après tout, ceci venait d’une Convention de Rio et non d´un quelconque processus forestiers – mais ils ont finalement pris conscience de la nouvelle réalité financière et politique. Une réalité qui a dominé la foresterie internationale durant les cinq dernières années et qui a alimenté les investissements dans la recherche forestière et le développement des capacités à travers le monde. Il n´est pas étonnant que tant de conférenciers parlent maintenant du marché du carbone forestier plutôt que des investissements dans des scieries.

Il y a toutes les raisons d’être reconnaissant pour l’attention portée sur les forêts et le changement climatique, et pour les possibilités financières et politiques soulevées.

Mais il peut aussi être temps de reconnecter les forêts et la foresterie à l’agenda plus large du développement. Avec l´agenda des forêts et du changement climatique à l’esprit, il peut sembler maigre de plaider en faveur d’une approche paysagère, sans promesses de financements adaptés, avec seulement la perspective de partager la plate-forme avec l’agriculture – un secteur qui est dit, dans certains milieux forestiers, ignorer en grande partie les enjeux de la foresterie.

Cependant, avec cette focalisation, en quelque sorte tournée vers l’intérieur, du secteur forestier internationale au cours des dernières décennies, nous semblons avoir perdu de vue les aspirations d´une vue d´ensemble : la réduction de la pauvreté, la sécurité alimentaire, la santé, la croissance verte et la lutte contre le changement climatique, et comment la foresterie peut contribuer à tous ces aspects.

En regardant en arrière, il est utile de se rappeler que  l’Année Internationale de la Forêt 1985 a eu comme thème la sécurité alimentaire. Le Congrès forestier mondial de 1972 été axé sur les forêts et le développement socioéconomique. Dans la première Unasylva en 1947, les références bibliques indiquent qu´avec la disparition des forêts de cèdres du Liban, la « … fontaine des jardins, un puits d’eaux vives et de ruisseaux » a également disparu.

Plus récemment, l’une des recommandations du Forest Day 2 en Poznan en 2008 était que nous devrions « tenir compte des conditions locales et intégrer les approches paysagères et écosystémiques afin de faciliter des avantages sociétaux et environnementaux plus importants ».

Du point de vue du CIFOR, je vous assure que nous continuons à construire la base de l’identité et de connaissances de la foresterie comme nous l’avons fait au cours des 20 dernières années. Chaque jour, nos scientifiques et nos partenaires recherchent et recommandent des politiques qui aident à assurer le développement durable des forêts de la planète, à préserver la biodiversité qu’elles contiennent, le carbone qu’elles stockent, et à protéger les moyens de subsistance et les cultures des personnes qui en dépendent. Comme nous débutons les 20 années à venir, nous ferons de sorte à ce que le secteur forestier reste pertinent pour le tableau d’ensemble et pour un public plus large.

Ainsi, l’introduction d’une approche paysagère à la foresterie n’est ni nouvelle, ni une menace pour l’identité de la foresterie. Au contraire, elle contribue à bâtir et à maintenir l’identité de la foresterie en plaçant la foresterie là où elle appartient vraiment : dans le paysage, ensemble avec l’agriculture – partenaires dans la création d’un avenir durable.

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