Planifiez soigneusement le partage des bénéfices, ou risquez de miner la REDD+

Les mécanismes de partage des bénéfices de la REDD+ doivent être bien conçus ou ils pourraient créer des problèmes à long terme, avisent des chercheurs du Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR).
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Un des risques pour la REDD+ est que les utilisateurs de la forêt peuvent ne pas être prêts à s’engager sans la certitude de recevoir une récompense pour leurs efforts, selon une étude du Centre de Recherche Forestière Internationale. Photo: CIFOR/Kate Evans.

BOGOR, Indonésie (9 août 2013) _ Les mécanismes de partage des bénéfices de la REDD+ doivent être bien conçus ou ils pourraient créer des problèmes à long terme, avertissent des chercheurs du Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR).

Le partage des bénéfices est un élément important de la REDD+ (Réduction des Émissions issues de la Déforestation et de la Dégradation des forêts), un programme pour l’atténuation du changement climatique visant à réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre en créant des incitations pour conserver, restaurer et gérer durablement les forêts. Vu que la REDD+ est basée sur des récompenses conditionnelles pour réduire les émissions, il lui faut un système – ou un mécanisme – afin de désigner qui est récompensé, pourquoi et dans quelles proportions.

«La REDD+ pourrait finir par avoir des effets négatifs si les mécanismes de partage des bénéfices ne sont pas conçus avec soin», a déclaré Pham Thu Thuy, chercheuse au CIFOR et principal auteur d’une étude comparative sur le partage des bénéfices dans treize pays REDD+*.

«Beaucoup de solutions pour la REDD+ reposent sur les effets immédiats, mais elles doivent également prendre en compte les conséquences à long terme», a-t-elle ajouté.

Mme Pham et ses collègues ont évalué les approches de partage des bénéfices qui sont proposées ou testées dans des pays de REDD+. Les modèles incluent des approches basées sur les fonds*, des contrats de concession forestière, des instruments fondés sur le marché (tels que les paiements pour services environnementaux*), les frais de location des terres* et la foresterie communautaire. Les bénéfices distribués peuvent être monétaires, tels que la vente de crédits carbone sur le marché ou les fonds de donateurs ou des gouvernements ; ou non monétaires, comme le transfert de technologie ou l’amélioration des services écosystémiques.

Ils ont se sont demandé si ces approches étaient susceptibles d’avoir des résultats efficaces, efficients et équitables – des critères établis pour garantir le succès de la REDD+ – en tenant compte des conditions politico-économiques de chaque contexte.

Dans tous les pays, ils ont identifié des facteurs qui pourraient affaiblir le partage des bénéfices et ainsi compromettre la pérennité des résultats de la REDD+.

Deux des plus graves problèmes sont le manque de clarté de la propriété foncière et des droits fonciers, ainsi que la sous-représentation des populations locales – des problèmes qui, selon Mme Pham, «ont tendance à naître du contexte politique et de la conception des institutions*».

Courir le risque

Un des risques pour la REDD+, causé par un régime foncier non défini* et une compréhension limitée des populations locales de leurs droits, est que les utilisateurs de la forêt peuvent ne pas être prêts à s’engager à la REDD+ s’ils ne peuvent pas avoir la certitude de recevoir en échange une récompense pour leurs efforts, selon l’étude.

«Si les personnes n’ont pas le sens de la propriété de leurs terres, elles recherchent seulement des gains à court terme», a déclaré Mme Pham.

«Si elles réclament leur droit aux bénéfices de la REDD+, basé sur leurs droits fonciers, et qu’elles ne possèdent pas de droits clairement définis, elles pourraient perdre toute incitation à réduire les émissions.»

Le fait de ne pas avoir réussi à donner aux populations locales une voix dans la prise de décision et la conception peut aussi mettre en péril les mécanismes finaux de partage des bénéfices, qui doivent être considérés comme étant équitables*, pour ne pas menacer la légitimité – et l’acceptation – de la REDD+.

«De nombreux pays adoptent une approche descendante de la gestion forestière, où les populations n’ont pas beaucoup d’opportunités pour exprimer leurs opinions ou influencer les décisions», a déclaré Mme Pham.

«Dans beaucoup de ces pays, un petit groupe puissant domine le débat. Beaucoup d’autres personnes concernées n’ont pas leur mot à dire. Cela peut signifier qu’elles ne soutiendront pas le mécanisme définitif ou n’auront pas d’incitations à protéger la forêt, et que de ce fait, la REDD+ pourrait ne pas être un succès.»

Pour atténuer ces risques, il faudra des réformes dans les pays REDD+, afin d’atteindre des régimes fonciers plus claires, une meilleure coordination entre les acteurs, une plus grande transparence et responsabilité, une amélioration de l’échange des informations et une capacité renforcée des acteurs, en particulier au niveau local.

«Lorsque nous parlons de réforme, nous ne parlons pas seulement de réforme dans le secteur de la foresterie ou du régime foncier», a expliqué Mme Pham. «C’est vraiment en termes de stratégies et de priorités de développement du pays.»

En outre, la réforme doit être ce que l’on appelle un «changement transformationnel*» – un démantèlement des pratiques de statut quo, a ajouté Grâce Wong, chercheuse chevronnée au CIFOR et dirigeante d’un nouveau projet du CIFOR sur le partage des bénéfices*.

«Si un changement a lieu, ce doit être un changement majeur», a-t-elle dit. «S’il s’agit seulement d’une amélioration mineure, alors ceci pourraient servir à renforcer le statu quo, sous couvert de changement.»

En balance

A quoi ressemble alors un mécanisme bien conçu de partage des bénéfices ?

«Il n’existe pas de recette unique», a dit Mme Pham. «Cela dépendra du contexte, c’est-à-dire le régime politique du pays, les priorités nationales et les capacités des organismes gouvernementaux. Mais il existe certaines caractéristiques importantes pour la conception.»

Tout d’abord, a-t-elle expliqué, le mécanisme doit être fondé sur la compréhension mutuelle, avec des négociations et des pouvoirs égaux et une considération des intérêts de toutes les parties.

Un mécanisme de partage des bénéfices doit également être flexible, de façon à ce qu’il puisse être ajusté afin de refléter les changements dans le temps et disposer d’un mécanisme intégré de règlement des réclamations.

«Les mécanismes de partage des bénéfices ont tendance à traverser les niveaux de gouvernement – du local au provincial et national – et il peut arriver que des ménages soient désavantagés parce que quelqu’un plus haut dans la chaîne a pris la part de quelqu’un d’autre», a dit Mme Pham. «La plupart des modèles existants n’ont pas de système pour signaler ou arrêter ce type de comportement.»

La conception doit aussi permettre l’équilibre, voire des compromis, entre les objectifs «3E» d’efficacité, d’efficience et d’équité. Mme Pham a cité un projet au Vietnam qui a favorisé un seul «E» – l’équité – à défaut des autres, de sorte qu’il n’était pas efficient ni efficace.

«Ils ont dit qu’ils allaient partager les bénéfices monétaires entre toutes les personnes dans le village, mais que donc chacun recevrait moins d’un dollar par année. Ceci semblait être très équitable, mais n’a pas fourni une incitation suffisante», a-t-elle dit.

«Par conséquent, vous devez prendre en compte l’ensemble des trois E et essayer de trouver la meilleure harmonisation, selon le contexte du pays.»

 

Pour plus d’informations sur les sujets abordés dans cet article, veuillez contacter Pham Thu Thuy à T.Pham@cgiar.org.

Ce travail s’inscrit dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie et est soutenu par NORAD, AusAID, DFID et l’Union européenne.

 

* Liens non traduits en français

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