Les «approches paysagères» peuvent mettre fin au débat qui oppose l’agriculture aux forêts

Une nouvelle approche de la gestion des terres, basée sur les services sociaux, économiques et environnementaux qu'elles fournissent, pourrait mettre fin au débat en cours affirmant que les forêts doivent être sacrifiées au bénéfice du développement agricole.
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A maize farmer in Kisumu, Kenya. Photo courtesy of Neil Palmer (CIAT).

Un cultivateur de maïs à Kisumu au Kenya. Photo utilisée avec permission de Neil Palmer (CIAT).

RIO DE JANEIRO, Brésil (21 juin 2012) _ Une nouvelle approche de la gestion des terres, basée sur les services sociaux, économiques et environnementaux qu’elles fournissent, pourrait mettre fin au débat en cours affirmant que les forêts doivent être sacrifiées au bénéfice du développement agricole et aider les acteurs à déterminer le meilleur moyen de maximiser le potentiel de leurs terres, pour sécuriser les approvisionnements en nourriture durable sur le long terme.

«L’approche paysagères est un moyen par lequel nous pouvons améliorer la productivité agricole et les moyens de subsistance en milieu rural, tout en répondant aux menaces qui pèsent sur les forêts, l’eau et la biodiversité», déclare Frances Seymour, directrice générale du Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR) lors de la Journée du développement agricole et rural tenue en marge de la Conférence Rio +20.

Plus de 100 chefs d’Etat ont négocié un ordre du jour intitulé «L’avenir que nous voulons»* afin d’équilibrer la demande croissante en nourriture, carburant et autres ressources naturelles, tout en faisant la transition vers une économie verte, plus équitable.

La recherche basée sur les paysages considère qu’il existe différentes parties du paysage qui fournissent des biens et des services différents pour soutenir les moyens de subsistance et que celles-ci sont reliées entre elles. Par conséquent, ce qui se passe dans une partie du paysage a un impact sur une autre, explique Louis Verchot, chercheur expérimenté du Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR).

«Ce qui se passe dans les forêts a un impact sur la qualité et la quantité de l’eau. Ce qui arrive à l’eau a un impact sur la productivité agricole. Ce qu’il advient de la productivité agricole a un impact sur la quantité de forêt qui est retirée de ce paysage», dit-il.

La recherche sur les paysages a été saluée comme une nouvelle manière de réunir les secteurs de l’agriculture, la foresterie, l’énergie et la pêche, pour trouver des solutions collaboratives et innovatrices afin d’alléger la pression croissante sur les ressources de la planète.

Selon le dernier rapport européen sur le développement*, la demande mondiale en eau devrait augmenter de 40% et celle en nourriture de 50% d’ici 2030.

«Nous avons un énorme défi devant nous afin de répondre dans le monde aux besoins de la planète … la production agricole devrait être en harmonie avec la vision moderne du développement durable … avec l’intention de mettre fin à la pauvreté et de créer des emplois et des revenus», déclare Jorge Alberto Portanova Mendes Ribeiro Filho, Ministre de l’agriculture, de l’élevage et de l’approvisionnement alimentaire au Brésil.

En dépit de la pression croissante exercée sur les ressources forestières par l’expansion de la production agricole, l’élevage et les industries de biocarburants, Mme Seymour souligne qu’il est nécessaire de mettre fin au débat qui a opposé l’agriculture et les forêts.

Les conclusions principales des recherches du CIFOR et d’autres chercheurs* ont établi un lien étroit entre l’importance des forêts pour la sécurité alimentaire, et cela doit être mieux intégré dans les programmes mondiaux.

«Je pense que le temps où l’on se préoccupait des forêts pour le bien des forêts est terminé. Maintenant nous devons avoir des forêts intégrées dans d’autres agendas de recherche», dit M. Verchot.

«Par exemple, certains groupes s’occupent des forêts et d’autres de l’agriculture: ceci n’est pas productif. Nous devons les réunir d’une manière intégrée dans les paysages, afin de les rendre utiles les uns aux autres.»

Le CIFOR, en collaboration avec ICRAF*, CIAT* et Bioversity*, a récemment annoncé un nouveau programme de recherche* qui vise à comprendre et à améliorer la façon dont les forêts, les arbres et les systèmes agroforestiers sont gérés à travers les paysages. Le programme* vise à accroître la productivité, la durabilité et l’équité des systèmes forestiers et agroforestiers, à améliorer la gestion et la conservation des ressources forestières et arboricoles, et à améliorer la gestion des paysages forestiers pour les services environnementaux, la conservation de la biodiversité et les moyens de subsistance.

«Grâce à ce programme, nous adoptons une approche complète par le paysage qui n’est pas seulement axée sur les forêts non-perturbées et perturbées, mais aussi sur le rôle des arbres dans les exploitations agricoles. Ceci offre une image incroyablement complexe», ajoute Mme Seymour.

Rachel Kyte, vice-présidente du développement durable à la Banque mondiale et du CGIAR Fund Council Chair, se dit rassurée que les secteurs forestiers et agricoles qui ont eu «des conversations différentes dans différents espaces» par le passé, «commencent maintenant à parler le même langage».

Mme Kyte souligne également qu’une approche paysagère serait essentielle pour de comprendre la comment mesurer et d’optimiser au mieux les services écosystémiques, afin de sécuriser les approvisionnements alimentaires futurs.

«Nous devons apprendre à mettre en perspective la culture des services écosystémiques, tels que la purification de l’eau, la rétention d’eau, la fertilité des sols, la séquestration du carbone et la protection des littoraux, d’une manière qui permette de réduire l’impact environnemental», ajoute-t-elle.

Alors que l’intensification agricole a été présentée comme une solution à la crise de la demande alimentaire, il n’y a pas eu d’accord pour savoir dans quelle mesure elle peut aider à réduire la déforestation, et les politiques soutenant cette intensification doivent être bien réfléchies, dit Mme Seymour.

«Les recherches du CIFOR ont prouvé que si l’on augmente la productivité agricole, on peut réellement accélérer la déforestation car cela permet souvent de gagner de plus l’argent. L’intensification de l’agriculture doit être jointe à la politique forestière et aux réformes de la gouvernance, telles que le renforcement de la propriété foncière et l’application de la loi.»

À la lumière de ces défis, les approches paysagères pourraient offrir de nouvelles possibilités afin d’intégrer la gestion des ressources, tout en promouvant les objectifs de conservation et de développement. Les partenariats entre les secteurs public et privé ont entraîné des changements importants dans les paysages de pays comme le Brésil, où la production agricole a explosé sans pour autant sacrifier sa couverture forestière, la déforestation ayant été réduite de plus de 70% au cours de la dernière décennie.

«Nous devons collectivement visualiser de quoi un paysage aura l’air, pour qui et comment il a besoin de fonctionner. Puis nous pourrons répondre à la demande croissante en fonds propres naturels», ajoute Mme Kyte.

Et la recherche scientifique évolue pour répondre à cette demande connaissante. «Le Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie n’en est qu’à ses débuts», déclare Mme Seymour, «les scientifiques s’enthousiasme déjà des possibilités qu’il offre.»

Avec des informations complémentaires de Michelle Kovacevic.

*Liens non traduits en français

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