Chronique du DG

Les paysages comme Objectif de Développement Durable: fixer les priorités à la COP19 à Varsovie

L'année 2015 sera déterminante pour l'avenir de la population croissante de notre planète. L'échéance du protocole de Kyoto étant fixée pour 2020, les dirigeants mondiaux se réuniront le mois prochain à Varsovie pour continuer de travailler sur un nouvel accord sur le changement climatique, s'appliquant à la fois aux pays développés et en développement.
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L’année 2015 sera déterminante pour l’avenir de la population croissante de notre planète. L’échéance du protocole de Kyoto étant fixée pour 2020, les dirigeants mondiaux se réuniront le mois prochain à Varsovie pour continuer de travailler sur un nouvel accord sur le changement climatique, s’appliquant à la fois aux pays développés et en développement.

En parallèle, un autre processus met l’accent sur les préoccupations environnementales, économiques et sociales: la conception d’un cadre de développement pour 2015, incluant les Objectifs de Développement Durable (ODD) afin de remplacer les Objectifs du Millénaire pour le Développement en cours. Comme je l’ai mentionné auparavant, je crois que les «paysages durables» constitueraient un excellent ODD pour l’avenir que nous souhaitons. J’y reviendrai dans un instant.

Dans environ un mois, plus de mille participants se rendront à l’Université de Varsovie pour participer au Forum Mondial sur les Paysages. Nous allons discuter de la façon dont le changement climatique et les processus de développement durable pourraient être plus étroitement alignés et comment cela peut être réalisé au-delà des cloisonnements sectoriels traditionnels. Le soutien et l’intérêt pour une approche plus vaste, à travers la foresterie et l’agriculture, ont été considérables au cours de la dernière année. De plus, une équipe dédiée a travaillé jour et nuit pour préparer ce forum. Je crois donc que le moment est propice pour réfléchir aux évolutions de l’agenda post-2015, ainsi qu’aux progrès accomplis en faveur des ODD durant ces derniers mois.

Lors de la 68ème session de l’Assemblée générale de l’ONU fin septembre, les dirigeants mondiaux ont adopté une nouvelle série d’objectifs, s’appuyant sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) existants afin de défendre la durabilité en tant qu’élément central des aspirations futures de développement.

Mais ne nous laissons pas aveugler par la rhétorique politique: Les OMD sont fragmentés, en particulier en ce qui concerne les secteurs terrestres, du développement rural et de l’environnement. À titre d’exemple, les forêts sont abordées exclusivement dans le cadre de l’objectif de l’environnement et les changements de la superficie forestière sont le seul indicateur du progrès – l’accent est donc davantage mis sur la conservation que sur les contributions plus larges de la foresterie au développement durable.

À ce jour, l’inertie du système des Nations Unies et du processus politique suggère que les ODD ressembleront aux OMD. Mais je pense que nous pourrions, et devrions, faire mieux – et il existe un argument clair en faveur d’un ODD sur les «paysages durables», comme cela a été mentionné dans mon précédent blog (Qu’en pensez-vous ? Rejoignez ici le dialogue interactif.)

Avant d’en parler, évoquons d’abord la façon dont les différents organes politiques font avancer l’agenda du développement durable post-2015.

Comment les ODD sont définies actuellement

De nombreuses voies parallèles ont été prises pour aider à formuler les ODD. Certaines, comme le Forum mondial sur les paysages, se trouvent en dehors du cadre des Nations Unies. Toutefois, il est prévu que l’Assemblée générale des Nations Unies prenne la décision formelle d’établir les ODD en 2014. Il n’est donc pas surprenant qu’un certain nombre de pistes distinctes aient été définies à l’intérieur du système des Nations Unies. En voici trois d’entre elles:

1. Le Groupe de travail ouvert (GTO) de l’Assemblée générale

Le Groupe de travail ouvert (GTO) est l’organisme qui préparera la décision de l’Assemblée générale. Il s’agit d’un cadre traditionnel de négociation des Nations Unies, incorporant les délégations des pays et un processus bureaucratique considérable qui produit une multitude de documents. En outre, les agences des Nations Unies, des ministères et d’autres bureaux ont été convoquées pour offrir aux équipes l’occasion de présenter les points de vue de «leur» institution au GTO.

Le GTO prend actuellement forme via une série de huit réunions, d’une semaine chacune, pour recevoir les idées et débattre de la construction des ODD, avec un sous-ensemble de disciplines et de secteurs présents à chaque réunion. En février 2014, la dernière réunion abordera la question de l’inclusion des forêts et de la biodiversité dans le cadre post-2015. Puis une proposition sera rédigée pour l’Assemblée générale de l’ONU.

Pour le meilleur ou pour le pire, nous devons compter sur le Groupe de travail ouvert pour éclairer la décision de l’Assemblée générale sur les ODD.

2. Le Groupe de personnalités éminentes de haut niveau (GHN) pour l’agenda de développement post-2015

En mai 2013, le Groupe de haut niveau a publié un rapport définissant des propositions concrètes pour les ODD, que j’ai abordé dans un blog précédent. Mon évaluation était, et est toujours, que le GHN a fourni un élément d’une grande importance, et ceci à un niveau politique très élevé (3 dirigeants nationaux ont été en co-présidence).

Les 12 ODD proposés (et les 7 enjeux transversaux) ont abouti à un arrangement assez désordonné et semblable aux OMD. Toutefois, le rapport du GHN propose également 5 «changements transformationnels»; qui sont à mon avis une meilleure suggestion pour les ODD:

1. Ne laisser personne de côté

2. Mettre le développement durable au centre

3. Transformer les économies en faveur de l’emploi et de la croissance inclusive

4. Construire la paix et des institutions efficaces, transparentes et responsables pour tous

5. Forger un nouveau partenariat mondial

Ces changements représentent des ambitions transversales de haut niveau, ils sont faciles à comprendre et il sont en nombre suffisant. C’est ce type d’ODD que nous devrions viser – en vertu duquel différents objectifs sectoriels peuvent alors être formulés.

3. Le Réseau pour les Solutions de Développement Durable (RSDD)

Ce réseau a été mené par Jeff Sachs et a impliqué un grand nombre de scientifiques et d’experts. Le rapport final, intitulé An action agenda for sustainable development, propose 10 «défis prioritaires», qui pourraient être interprétés comme des ODD. Certains d’entre eux sont généraux et ressemblent aux changements transformationnels mentionnés ci-dessus, tandis que d’autres sont plus étroitement orientés vers des secteurs (comme l’agriculture, les villes, l’énergie et les ressources naturelles).

En plus des trois pistes mentionnées ci-dessus, une des conclusions de la Conférence Rio+20 était de créer un Forum politique de haut niveau (FPHN), intergouvernemental et universel, sur le développement durable. Le FPHN remplace le long processus d’une durée de 20 ans de la Commission du développement durable (CDD), qui était un produit de la CNUED à Rio en 1992. (Pour ceux qui s’intéressent au processus de l’ONU, le «Earth Negotiations Bulletin» fournit une analyse ici.)

Le rôle que jouera le FPHN pour les ODD n’est pas encore clair. Un rapport préliminaire, publié il y a quelques jours, montre des tentatives pour améliorer l’interface science-politique en impliquant des scientifiques dans le processus de consultation initiale.

Ces processus sont confrontés à de nombreux défis

Une des préoccupations est que, soit les ODD deviendront trop détaillés pour attirer le soutien public et politique à large échelle, soit ils deviendront de grandes ambitions mondiales avec des liens insuffisants avec les décisions et actions des personnes sur le terrain. Les deux rapports produits par le Groupe de haut niveau et le Réseau pour les solutions de développement durable soulèvent ce point.

Une autre de mes préoccupations, concernant le Groupe de travail ouvert, est que le dialogue de l’ONU sépare les différents secteurs et disciplines, en opérant ainsi le long des lignes de fracture traditionnelles entre les organismes, institutions et groupes d’intérêt technique. Il sera alors difficile de se concentrer sur la situation globale et pourrait empêcher de profiter de l’occasion pour trouver des solutions innovantes et transversales.

Les «fiches thématiques» préparées par le personnel des 60, ou plus, entités de l’ONU pour le GTO sont un exemple intéressant. Elles ont été sollicitées dans des disciplines distinctes, les entités des Nations Unies les plus proches du sujet étant choisies comme auteurs principaux. Ces fiches ont tendance à mettre en évidence la valeur et l’importance du secteur (et de l’institution) de chaque auteur, perdant ainsi de vue la situation dans son ensemble.

Le CIFOR a été invité à contribuer, en tant qu’institution hors de l’ONU, à la fiche sur les forêts. Néanmoins, nous nous sommes retirés car nous ne sommes pas d’accord pour considérer «un ODD spécifique sur les forêts» comme solution. Notre argument est qu’un tel ODD étroit ne serait ni viable, ni souhaitable. La foresterie doit contribuer à de nombreux défis de l’avenir, mais plaider pour un ODD séparé va à l’encontre de l’esprit de l’agenda post-2015.

L’opportunité des paysages

Mais il existe aussi des opportunités au sein du processus des ODD. Avec le soutien que nous avons reçu lors du travail sur le Forum mondial sur les paysages, je me sens à l’aise pour plaider en faveur d’un ODD sur les paysages, tout en restant dans l’esprit des changements transformationnels proposés.

De nombreux enjeux de développement durable, et donc beaucoup de solutions potentielles, sont liés aux paysages, ainsi qu’aux opportunités et défis des milliards de personnes qui les gèrent.

Aborder les paysages à un niveau conceptuel plus élevé peut être plus utile que d’essayer de s’entendre sur des définitions et discuter de qui est en charge d’un paysage particulier. Au lieu de cela, nous pouvons adopter un cadre pour les paysages comme point de départ pour établir des priorités parmi les parties prenantes et les secteurs à différentes échelles. En d’autres termes, un cadre pour les paysages ne met pas en défi les secteurs et institutions existants, au contraire, il aide à définir la meilleure façon de contribuer à un avenir commun partagé.

Un cadre pour les paysages peut par conséquent également être un point de départ de l’action sur le terrain et, s’il est ancré dans les ODD, fournir un lien crucial entre les objectifs mondiaux et les utilisations locales des terres.

Certains peuvent penser que cela semble est très vague et ne sera jamais opérationnel pour les investissements, la politique des entreprises, les cadres juridiques ou le développement économique. Mais je vous mets au défi de sortir des sentiers battus et j’ai hâte de participer à ce voyage qui nous attend. Premier arrêt: Varsovie.

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