Interview: le scientifique Terry Sunderland décrit «l’approche paysagère»

Le Forum mondial sur les paysages, organisé pour coïncider avec les négociations internationales sur le changement climatique à Varsovie, mettra l'accent sur une approche holistique de la gestion du territoire.
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Une approche paysagère gère essentiellement des paysages complexes d’une manière intégrée et holistique, en assimilant les différentes utilisations des terres présentes dans ces paysages dans un processus de gestion unique. CIAT/Neil Palmer

BOGOR, Indonésie (22 octobre 2013) — Le Forum mondial sur les paysages, organisé pour coïncider avec les négociations internationales sur le changement climatique à Varsovie, mettra l’accent sur une approche holistique de la gestion du territoire.

Dans l’interview qui suit, Terry Sunderland, directeur scientifique au Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR) définit «l’approche paysagère»: pourquoi nous en avons besoin et ce que les scientifiques, les organisations non gouvernementales et les décideurs politiques doivent faire afin de commencer sa mise en œuvre.

Q: Qu’est-ce qu’une approche paysagère?

R: Une approche paysagère gère essentiellement des paysages complexes d’une manière intégrée et holistique, en assimilant les différentes utilisations des terres présentes dans ces paysages dans un processus de gestion unique.

Q: Pourquoi en avons-nous besoin?

R: La raison pour laquelle nous avons besoin d’une approche paysagère est liée à l’histoire de la ségrégation des fonctions au sein d’un paysage. Que ce soit une concession de conservation – un parc national, une concession communautaire, une foresterie communautaire ou une exploitation forestière – et bien qu’elles soient toutes réellement interconnectés d’un point de vue social et biophysique, elles sont gérées de façon isolée. Or nous avons vraiment besoin d’une approche beaucoup plus holistique pour comprendre les interconnexions entre ces différentes utilisations terrestres, mais également afin de saisir la complexité de ces utilisations. De plus, il est nécessaire que leur gestion soit intégrée et simplifiée de façon inédite.

Q: Pourquoi n’a-t-elle pas déjà été mise en place?

R: Bien qu’il s’agisse d’un processus très simple à bien des égards, sur le terrain c’est une chose très compliquée à réaliser. Réunir les intervenants dans une pièce – qui ont des opinions très différentes sur l’avenir du paysage – et se mettre d’accord sur une vision commune, sur un avis commun que ce qu’il devrait advenir du paysage, sont des défis particulièrement difficiles… Finalement, arriver ainsi à un consensus – et il s’agit là du bon terme pour l’approche paysagère – c’est parvenir à un consensus sur le paysage, parvenir à un consensus entre tous les acteurs.

Q: Peut-on toujours trouver des solutions où chacun est gagnant?

R: En fait, les solutions gagnantes se sont avérées quelque peu inatteignable pour la plupart des paysages tropicaux – et le vrai principe de la gestion intégrée des paysages et de l’approche paysagère est la reconnaissance des compromis et leur négociation. Le but étant que toutes les parties parviennent à un accord dans lequel il existe des gagnants et des perdants – mais qu’on y gagne davantage qu’on y perd. Il s’agit là du vrai fondement de l’approche paysagère.

Q: Pourquoi l’adaptabilité est-elle importante pour la gestion des paysages?

R: Les choses changent tous les jours, toutes les semaines, tous les mois, alors vous devez vous adapter à ces changements. Les projets sont souvent contraints par leurs objectifs initiaux, qui fixent ce qui va se faire dans le paysage, et qui sont souvent réalisés de manière presque machinale. Pourtant, il n’est pas possible de gérer un paysage complexe ainsi. Vous devez être assez adaptable et flexible pour changer à mesure que vous avancez dans le processus de gestion.

Q: Quel est le rôle des scientifiques dans l’approche paysagère?

R: Le rôle de la science? Nous informons. Et nous avons mis au point toute une série de principes et de lignes directrices qui permettent à l’approche paysagère d’être mise en œuvre. Il s’agit seulement d’un cadre. Nous ne pouvons pas faire avancer l’action davantage. Nous fournissons la recherche qui a permis que ce cadre soit mis en place, mais c’est maintenant le rôle d’autres institutions, d’autres organismes de faire avancer ces orientations et principes, de mettre en œuvre l’approche paysagère pour eux-mêmes.

Q: Que peuvent faire les ONG et les organismes gouvernementaux dès maintenant afin d’œuvrer pour une approche paysagère?

R: Quand les choses se passent sur le terrain, l’action est plus efficace. On atteint de meilleurs résultats quand les personnes se parlent. Les organisations de conservation ne peuvent pas travailler seules dans une zone protégée sans être conscientes de ce qui se passe autour d’elles. Il en est de même pour les concessions d’exploitation forestière, le secteur privé – tout le monde doit se parler parce que tout interagit à l’échelle du paysage. Ainsi, le message à retenir devrait être: c’est uniquement à travers des partenariats que l’approche paysagère peut fonctionner.

Pour plus d’informations sur les sujets abordés dans cet article, veuillez contacter Terry Sunderland sur t.sunderland@cgiar.org.

Ce travail s’inscrit dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie. Le travail du CIFOR sur les approches paysagères est également soutenu par l’USAID.

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