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L’équité demeure peu présente dans l’agenda politique de la REDD+

«Les questions d'équité façonneront les résultats des politiques...»
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La REDD+, Réduction des Emissions issues de la Déforestation et de la Dégradation des forêts, est un mécanisme international soutenu par l’ONU. Elle fournit aux pays en voie de développement des incitations financières pour préserver leurs arbres, dans le but de maintenir et d’augmenter les stocks de carbone. Photo: CIFOR/Douglas Sheil

BOGOR, Indonésie – Les responsables gouvernementaux des pays en voie de développement riches en forêts sont plus préoccupés par le fait que leur nation soit traitée de façon équitable durant les négociations internationales sur la REDD+ que par l’équité au sein de leurs propres territoires, selon une analyse des discours publics médiatisés sur la REDD+.

La REDD+, Réduction des Emissions issues de la Déforestation et la Dégradation des forêts, est un mécanisme international soutenu par l’ONU. Elle fournit aux pays en voie de développement des incitations financières pour préserver leurs arbres, afin de maintenir et d’augmenter les stocks de carbone.

L’incapacité des fonctionnaires à résoudre les problèmes, affaiblissant la justice ou l’équité au sein des pays qui souffrent d’inégalités ancrées, pourrait finalement nuire à l’efficacité de la REDD+ et empirer la situation des groupes marginalisés, selon les auteurs de l’article intitulé «L’équité et la REDD+ dans les médias: analyse comparative des discours politiques».

«Nous ne nous attendons pas à ce que la REDD+ résolve toutes les inégalités. Toutefois, nous pensons que l’implication des décideurs politiques de la REDD+ face à ces questions est importante», déclare l’auteur principal, Monica Di Gregorio, associé principal du Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR) et maître de conférences à l’Université de Leeds en Angleterre.

«Les questions d’équité façonneront les résultats des politiques. Si l’équité n’est pas prise en compte, la REDD+ risque de déclencher des conflits et les utilisateurs des forêts peuvent refuser d’y participer. En outre, si la REDD+ est conçue sans prise en compte des garanties, on encourt même le risque d’aggraver les inégalités», ajoute-t-elle.

LE JUSTE DÛ

Au début du développement de la REDD+, l’équité a été définie comme l’un des «3E» nécessaires à la réussite de la REDD+; les autres étant l’efficacité (la quantité d’émissions de carbone réduites) et l’efficience (le coût de la réduction des émissions).

Cependant, l’équité est une construction sociale et la vision de ce qui est «juste» varie d’un contexte à un autre.

«L’idée de ce qui est équitable varie d’une personne à une autre», dit Cecilia Luttrell, associée principale de recherche au CIFOR et auteure principale d’une étude connexe sur les discours au sujet du partage des bénéfices. Cette étude a identifié six arguments très différents justifiant que des groupes devraient bénéficier de la REDD+.

«Il est faut être conscient de tous ces points de vue divergents, car ils influencent non seulement la politique, mais également la possibilité que des personnes puissent contribuer à la prise de décision et la façon dont les coûts et bénéfices de la REDD+ sont distribués », ajoute-t-elle, indiquant que plusieurs aspects du partage des bénéfices peuvent influencer l’équité.

Par exemple, ceux impliqués dans la conception des mécanismes de partage des bénéfices peuvent favoriser l’équité en tenant compte des coûts de la REDD+, qui incombent de façon disproportionnée aux différents groupes et qui sont souvent ignorés. Elle ajoute qu’en outre, ils doivent être conscients et transparents quant aux résultats visés, puisque cette clarté permet d’identifier les décideurs légitimes et de décider qui est responsable de quels résultats.

FAIR-PLAY

Cependant, dans de nombreux pays REDD+, le débat sur l’équité ne va pas au-delà d’une vision simpliste du partage des bénéfices, selon Mme Di Gregorio.

«Les causes sous-jacentes des inégalités sociales et politiques reçoivent très peu ou pas d’attention publique», dit-elle. «Pourant ces inégalités ont des conséquences importantes pour ceux qui gagnent ou perdent de la REDD+.»

L‘insécurité ou l’absence des droits ainsi que régimes fonciers au sein des pays REDD+ sont des problèmes récurrents. Par exemple, selon une étude effectuée dans 71 villages de cinq pays REDD+, plus de la moitié des villageois interrogés ont déclaré que leur droit sur au moins une partie de leur terre était incertain.

En conséquence, les populations locales et autochtones risquent de perdre le contrôle sur leurs terres et de revendiquer dans une moindre mesure les bénéfices de la REDD+. Cela se reflète dans la logique des «droits légaux» identifiée par Mme Luttrell et ses co-auteurs, qui préconise que les bénéfices devraient retomber aux groupes qui détiennent les droits légaux sur le carbone ou les arbres.

En outre, ceux qui ne détiennent pas de droit reconnu sur les ressources seront probablement exclus des décisions concernant ces ressources, ajoute Mme Di Gregorio.

«Si les populations locales ne peuvent pas participer aux prises de décision, il est probable que les résultats ne seront pas en leur faveur», déclare Mme Di Gregorio.

«Les questions de la participation, de la répartition des bénéfices ainsi que des droits autochtones et locaux sont tous liés.»

MISE A NIVEAU DU TERRAIN DE JEU

Les questions concernant l’équité, telles que la participation et le régime foncier, constituent une partie des garanties incluses dans l’Accord de Cancun. L’objectif des garanties est d’empêcher que les activités de REDD+ causent des dommages aux personnes ou à l’environnement. Les résultats de l’analyse des médias soulèvent la question de savoir si les responsables politiques sont pleinement conscients de l’importance des garanties.

«Les pays semblent ne pas prendre les garanties au sérieux, dans le sens où les discussions nécessaires ne sont pas centrales lors des débats politiques sur la REDD+», affirme Mme Di Gregorio.

«Nous pouvons même nous demander si la communauté internationale prend les garanties au sérieux, étant donné que dans l’ensemble, peu d’attention est accordée aux garanties ou à l’équité.»

Une autre raison sous-jacente de la négligence de ces questions est que l’égalité et les droits provoquent intrinsèquement des «questions de pouvoir», comme le dit Mme Di Gregorio.

Par exemple, les pays participant à la REDD+ où les terres forestières sont propriété de l’Etat: si l’Etat devait accorder des droits fonciers ou une plus grande participation à des groupes autochtones ou locaux, ceci pourrait mettre en péril sa propre position. Selon les auteurs, c’est à ce stade que le rôle de la société civile devient crucial.

«Le fait qu’il existe peu de débats publics sur l’équité signifie que les Etats ne subissent pas de pression pour changer ce qui se passe dans leur pays», explique Mme Di Gregorio.

«De ce fait, de nombreux pays ont besoin que la société civile soulève la question, puisque les fonctionnaires de l’Etat ne sont pas susceptibles de s’engager avant d’être incités ouvertement.»

Placer l’équité en priorité sur l’agenda politique exige des processus de consultation plus solides et davantage d’implication de la société civile et des bailleurs de fonds, suggère Mme Di Gregorio.

«Pour les acteurs internationaux il est possible de s’impliquer davantage à ce sujet», dit-elle. «Ils peuvent également discuter de ces questions avec les acteurs nationaux, en particulier dans les pays où la société civile est faible.»

Ces études sont publiées dans un numéro spécial du journal Ecology and Society intitulé Au-delà du carbone : Rendre la REDD+ juste et équitable à travers des différents niveaux de gouvernance.

Pour plus d’informations sur cette recherche, veuillez contacter Maria Brockhaus sur m.brockhaus@cgiar.org.

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