Bassin du Congo: un rapport réfute les perceptions sur l’exploitation et le sciage artisanal du bois

L'exploitation forestière et le sciage du bois à petite échelle dans la République démocratique du Congo (RDC) ne sont pas tous frauduleux et non-durables, selon de nouvelles recherches.
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Pitchou Tscimpanga/CIFOR photo

Transport de bois scié en RDC. Les communautés locales sont les principales bénéficiaires de l’exploitation forestière et du sciage de bois artisanaux dans le pays, à hauteur de 50 millions de dollars par an. Photo: Pitchou Tscimpanga/CIFOR

KISANGANI, République démocratique du Congo — L’exploitation forestière et le sciage de bois à petite échelle dans la République démocratique du Congo (RDC) ne sont pas tous frauduleux et non-durables, selon de nouvelles recherches. Ceci va à l’encontre de la perception largement répandue sur les impacts négatifs de l’exploitation forestière artisanale dans ce pays d’Afrique centrale.

L’étude sur trois ans révèle au contraire qu’un secteur artisanal bien réglementé pourrait soutenir les moyens de subsistance de milliers de personnes en milieu rural, tout en contribuant à l’amélioration de la gestion des vastes étendues de forêt de la RDC.

«L’exploitation forestière artisanale constitue une source majeure de revenus pour les populations locales, même si la pratique demeure largement informelle et contribue très peu aux finances publiques», déclare Guillaume Lescuyer. Ce-dernier est scientifique au Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD) ainsi qu’au Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR), et auteur principal du nouveau rapport intitulé «Le marché domestique du sciage artisanal en République démocratique du Congo: état des lieux, opportunités et défis»

En travaillant avec des tronçonneuses et en petits groupes, les exploitants forestiers et les scieurs artisanaux produisent en RDC environ 3,4 millions de mètres cubes de grumes par an, soit 13 fois plus que les concessions forestières de bois industriel à grande échelle du secteur national.

Selon le rapport, les secteurs artisanaux de l’exploitation forestière et du sciage du bois emploient directement 25 000 personnes et produisent plus d’un million de mètres cubes de bois scié en RDC. Environ 85% de ce bois est vendu sur les marchés domestiques, tandis que le reste est exporté vers les pays voisins tels que l’Ouganda. Les marchés domestiques de la capitale congolaise, Kinshasa, et de l’est du pays génèrent plus de 100 millions de dollars par an, engrangeant des profits estimés à 25 millions de dollars.

L’étude révèle que les populations locales sont les principaux bénéficiaires de l’exploitation forestière et du sciage artisanal, bénéficiant d’environ 50 millions de dollars par an.

POLITIQUES ET PERCEPTIONS

La République démocratique du Congo est couverte de 155 millions d’hectares de forêt et héberge deux-tiers des forêts humides restantes en Afrique tropicale. Depuis 2000 environ, le gouvernement congolais a mis en place plusieurs réformes économiques, politiques et institutionnelles destinées à améliorer la gestion des forêts et les ressources naturelles.

Cependant, des politiques rationnelles visant à assurer une gestion et exploitation durables des ressources forestières exigent une compréhension claire de la façon dont les secteurs industriels et artisanaux exploitent les ressources forestières ; d’autant plus que ce dernier tend à être criminalisé et considéré plus destructeur que le premier, malgré un manque de preuves.

L’étude a permis de faire un suivi des marchés du bois à Kinshasa et à Kisangani, à environ 2 000 km à l’est de la capitale ; ainsi qu’un suivi des principaux points de passage du bois dans ces deux villes et six autres dans les provinces Nord-Kivu et Orientale. En outre, les chercheurs se sont rendus dans 22 municipalités, où ils ont interrogé au total 477 exploitants artisanaux. Ils ont également consulté environ 130 acteurs divers au sein du secteur de l’exploitation forestière dans des ateliers de quatre villes.

Leurs conclusions contredisent la perception commune selon laquelle l’exploitation artisanale dans l’ensemble de la RDC serait entachée de fraudes massives et d’abus concernant les Permis d’Exploitation Artisanale par les entreprises industrielles. Il s’agit d’une perception erronée qui s’est établie en raison de la manière dont les permis sont délivrés dans le Bandundu, l’une des 10 provinces de la RDC.

CONSÉQUENCES POUR LA FORÊT?

Les secteurs artisanaux de l’exploitation forestière et du sciage ne semblent pas encore menacer les espèces arboricoles récoltées, car ils se concentrent sur des grands arbres sélectionnés parmi une poignée d’espèces, qui varient en fonction de la région au sein du pays.

Selon les auteurs, les conclusions sur la viabilité à long terme du secteur doivent cependant être appuyées par des recherches plus poussées. Les résultats indiquent que dans les deux zones de production majeure, autour de Kinshasa et dans la partie orientale du pays, l’exploitation forestière artisanale a connu une expansion rapide. Durant les deux dernières décennies, la production de bois produit de manière artisanale a doublé.

Le rapport énumère quatre domaines d’action pour assurer et améliorer le fonctionnement des secteurs artisanaux de l’exploitation forestière et du sciage en RDC. (1) Améliorer à court terme l’application de la loi en changeant les comportements des acteurs impliqués dans le commerce du bois; (2) offrir une gamme de support aux utilisateurs légaux et artisanaux de la forêt; (3) ajouter de la valeur aux produits nationaux fabriqués légalement; et (4) réformer les cadres juridique et réglementaire. À partir de ces quatre points, les chercheurs ont développé 18 recommandations politiques et techniques afin d’améliorer l’intégration du secteur artisanal dans les politiques forestières de la RDC.

«Nous comprenons désormais mieux les secteurs artisanaux de l’exploitation forestière et du sciage», déclare Pitchou Tshimpanga, étudiant en doctorat à l’Université de Kisangani et l’un des auteurs du rapport. « Et à partir de là, nous avons mis au point plusieurs voies possibles pour gérer le secteur d’une manière plus durable, tout en maintenant et en améliorant potentiellement la contribution du secteur aux personnes vivant en milieu rural de la République démocratique du Congo.»

L’étude a été publiée par le CIFOR et ses partenaires en RDC, y compris l’Université de Kisangani, le Réseau pour la Conservation et la Réhabilitation des Ecosystèmes Forestiers (Réseau CREF), et l’Organisation Concertée des Ecologistes et Amis de la Nature (OCEAN). L’étude en RDC figure parmi sept études menées par le CIFOR dans les pays du bassin du Congo, dont le Cameroun, le Gabon, la République du Congo et la République centrafricaine, ainsi que l’Indonésie en Asie du Sud-Est et l’Équateur en Amérique du Sud. Toutes ont été menées dans le cadre du projet PRO-Formal (Options politiques et réglementaires visant à reconnaître et à mieux intégrer le secteur national du bois dans les pays tropicaux).

Pour plus d’informations sur les enjeux abordés dans cet article, veuillez contacter Guillaume Lescuyer sur g.lescuyer@cgiar.org.

Cette recherche s’inscrit dans le cadre du Programme de Recherche du CGIAR sur les Forêts, les Arbres et l’Agroforesterie et est soutenue par l’Union européenne.

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