Cameroun : une richesse forestière ignorée (En quête de vérité)

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YAOUNDE, Cameroun (9 avril, 2011)_Le CIFOR a commencé ses recherches surl’exploitation illégale au Cameroun en 2003.Au départ, la priorité était placée sur le secteurindustriel, notamment sur la comparaison deschiffres d’exportation du bois avec ceux de laproduction dans les concessions forestières àgrande échelle. Toutefois, il s’est rapidement révéléqu’il manquait quelque chose dans les nombreusesdonnées recueillies par le MINFOF.

« On ne disposait d’absolument aucune informationsur l’offre de bois au niveau national, alors qu’ilsuffisait d’aller à Yaoundé pour se rendre comptequ’elle était importante », assure Cerutti. « Lesmarchés du bois établis le long des routes sedéveloppaient et s’étendaient dans toute la villepour répondre à l’essor de la construction. »

Edouard Essiane (à droite), aux côtés d’un vendeur de bois à Yaoundé.

Les études du CIFOR ont également révélé desécarts entre les chiffres de production et les chiffresd’exportation, ces derniers excédant souvent laproduction déclarée.«

Lorsque nous avons entamé nos recherches surle marché intérieur et les marchés régionaux, en 2008, nous voulions répondre à trois questions », indique Cerutti. « Quelle quantité de bois était récoltée ? Quiproduisait le bois ? D’où venait-il ? »

La collecte de données a commencé au Cameroun etau Gabon, puis a été étendue à des grandes villes de laRépublique centrafricaine, de la République du Congo etde la République démocratique du Congo.Au Cameroun, cette démarche a inclus une analysedétaillée des activités de négoce dans plus de 1200dépôts de bois répartis dans 50 marchés à Yaoundé,Bertoua, Douala, Kumba et Limbé, ainsi que desentretiens avec 261 petits scieurs travaillant dans70 communes. Une armée de volontaires (dont desnégociants en bois, des étudiants, des fonctionnaires duMINFOF) a collecté des données ayant permis au CIFOR et au MINFOF d’obtenir une compréhension détaillée dela manière dont le marché intérieur du bois fonctionne.

« Nous avons été très surpris de nos découvertes »,indique Cerutti. « La quantité de bois vendue était biensupérieure à nos prévisions, l’intégralité du secteurfonctionnant comme une économie parallèle illégale. »

Depuis 1996, le volume de bois récolté pour alimenter les marchés intérieur a pratiquement décuplé. En 1996,il était d’environ 250 000 m³ par an EBR (équivalent bois rond), et en 2002, il était passé à 1 million m³EBR. Les dernières données du CIFOR suggèrent qu’ildoit être à présent a 2,1 millions m³, soit à peu près lemême volume que le bois récolté légalement par lesprincipales concessions et destiné à l’exportation. Unpeu plus d’un quart de l’offre intérieure et régionaleprovient de « rebuts », c’est-à-dire de sciages produitspar les concessions mais de qualité insuffisante pourl’export. Le reste, qui équivaut à une récolte annuellede 700 000 m³ de bois scié, est fourni par des scieursqui travaillent à la tronçonneuse et sans permis légal.

La loi forestière de 1994, qui régit les activitésforestières au Cameroun, se concentre avant toutsur la production à grande échelle destinée àl’exportation. Lorsque cette loi a été rédigée, cela faisaitsens : le pays était en pleine crise économique et lademande intérieure en bois avait dégringolé. En plusd’encourager la gestion durable des forêts dans les concessions industrielles, cette nouvelle loi cherchait àpromouvoir une plus grande participation des intérêtsnation aux dans l’industrie du bois. Elle a ainsi intégrédes mesures de promotion des forêts communautaireset de redistribution de certaines redevances acquittéespar les entreprises d’exploitation industrielle auprèsdes communes et des villages locaux, et égalementintroduit plusieurs types de titres d’exploitation forestière réservés aux Camerounais. Il s’agissait depermis d’exploitation d’une durée maximale d’un anpour une récolte ne dépassant pas 500 m³, ainsi qued’autorisations personnelles de coupe d’une duréemaximale de trois mois, pour un volume de 30 m³.

Seuls les premiers pouvaient être utilisés à des fins commerciales. Mais il s’est avéré que peu de scieurs avaient fait une demande de permis d’exploitation dans les années 1990, et que la plus grande partie du bois provenait de zones où ils pouvaient faire valoir une forme de droit d’usage, souvent négocié avec les propriétaires coutumiers des arbres en question.

En 1999, le gouvernement a suspendu tous les titres d’exploitation forestière à petite échelle. L’objectif premier était de s’attaquer à l’exploitation illégale très répandue ainsi qu’aux comportements corrompus des entreprises industrielles disposant d’autorisations pour la récupération de bois, autorisations qui avaient été mises en place pour permettre d’évacuer les bois se trouvant sur les sites de projets de développement.

Un message du Ministère des finances. Photo de Paolo Cerutti

« Malheureusement, le gouvernement a également décidé de suspendre les seuls titres d’exploitation forestière qui auraient pu profiter aux petits producteurs, même si ces titres n’étaient pas la cause du problème », commente Cerutti.

Restée en vigueur jusqu’en 2006, l’interdiction n’a pas permis de réduire l’étendue de la récolte. La production de bois destinée au marché intérieur a même considérablement augmenté.

Lorsque la suspension a été levée, en 2006, le MINFOF a décidé de mettre aux enchères une cinquantaine de permis d’exploitation. Ils devaient être délivrés par une commission interministérielle basée à Yaoundé, plutôt que par les délégués régionaux, comme par le passé. Cela n’était pas très logique pour les scieurs, qui travaillaient souvent à des centaines de kilomètres de la capitale ; aucune demande pour ces permis ne fut donc déposée.

« Vous imaginez un scieur se rendant jusqu’à Yaoundé pour faire une demande qui ne serait pas approuvée avant plusieurs semaines ? », demande Cerutti. « C’était tout simplement impensable. »

Selon Cerutti, la suspension des permis d’exploitation à petite échelle a créé de nouvelles niches de corruption au sein du MINFOF, le personnel travaillant dans les arrondissements et les régions ayant développé un réseau étendu de collecte de redevances auprès des scieurs et des négociants en bois.

« Il était donc dans leur intérêt de maintenir un système dont ils étaient eux-mêmes les principaux bénéficiaires », ajoute Cerutti.

Leur capacité à extorquer de l’argent aurait alors été compromise par un système encourageant les scieurs à demander et obtenir des titres légaux. Pour comprendre précisément comment ce système fonctionne, et pourquoi la réforme sera si difficile, il est nécessaire d’observer ce qui se passe dans les forêts, sur les routes et dans les marchés.

Depuis 1996, le volume de bois récolté pour alimenter
les marchés intérieur a pratiquement décuplé. En 1996,
il était d’environ 250 000 m³ par an EBR (équivalent
bois rond), et en 2002, il était passé à 1 million m³
EBR. Les dernières données du CIFOR suggèrent qu’il
doit être à présent a 2,1 millions m³, soit à peu près le
même volume que le bois récolté légalement par les
principales concessions et destiné à l’exportation. Un
peu plus d’un quart de l’offre intérieure et régionale
provient de « rebuts », c’est-à-dire de sciages produits
par les concessions mais de qualité insuffisante pour
l’export. Le reste, qui équivaut à une récolte annuelle
de 700 000 m³ de bois scié, est fourni par des scieurs
qui travaillent à la tronçonneuse et sans permis légal.
La loi forestière de 1994, qui régit les activités
forestières au Cameroun, se concentre avant tout
sur la production à grande échelle destinée à
l’exportation. Lorsque cette loi a été rédigée, cela faisait
sens : le pays était en pleine crise économique et la
demande intérieure en bois avait dégringolé. En plus
d’encourager la gestion durable des forêts dans les
concessions industrielles, cette nouvelle loi cherchait à
promouvoir une plus grande participation des intérêts
nationaux dans l’industrie du bois. Elle a ainsi intégré
des mesures de promotion des forêts communautaires
et de redistribution de certaines redevances acquittées
par les entreprises d’exploitation industrielle auprès
des communes et des villages locaux, et également
introduit plusieurs types de titres d’exploitation
forestière réservés aux Camerounais. Il s’agissait de
permis d’exploitation d’une durée maximale d’un an
pour une récolte ne dépassant pas 500 m³, ainsi que
d’autorisations personnelles de coupe d’une durée
maximale de trois mois, pour un volume de 30 m³.
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