Analyse

Développement durable : romance, rhétorique et réalités

Les techniques scientifiques sont-elles adaptées pour atteindre les principaux objectifs de notre époque : les ODD ?
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Harvesting Brazil nuts in the Peruvian Amazon. Marco Simola/CIFOR photo.

Récolte de noix brésilienne en Amazonie péruvienne. Photo: Marco Simola/CIFOR

Alors que les Objectifs de développement durable (ODD) (post-2015) seront bientôt dévoilés, les scientifiques se joignent aux diverses entités étatiques, publiques et privées qui cherchent les moyens de les atteindre. Puisque j’ai été convié à participer à ces débats, je repense aux quelques événements auxquels j’ai pu assister dans le cadre de mes recherches sur les liens entre le développement économique, la préservation de l’environnement et les communautés locales.

Le premier événement s’est tenu en mai 2010 à Lima, au Pérou, sur le site de la récente COP. Des centaines de militants et d’universitaires se sont rassemblés pour discuter des diverses crises économiques, politiques, sociales et environnementales que nous subissons actuellement et pour envisager modèles de développement alternatifs. La rencontre a commencé et s’est terminée par plusieurs rituels. Leurs objectifs étaient, d’une part, de célébrer et d’honorer la richesse de la nature et d’autre part de souligner à quel point les hommes sont profondément liés, dépendants et soutenus par la générosité de la Terre. Une multitude d’acteurs y a participé, des paysans aux femmes rurales en passant par des peuples autochtones et des associations homosexuelles.

Au programme : des groupes de travail, des ateliers et des expositions sur les problèmes et la destruction causés par l’exploitation minière et la déforestation. Parallèlement, l’attention a été portée sur la nécessité de développer des écoles, des réformes agraires, des soins, des logements et la démocratie pour atteindre l’égalité des droits, la responsabilité politique et la participation civique de tous les Péruviens, dans un pays blessé par son histoire violente et répressive.

Quelques semaines plus tard, en juin 2010, une fête de l’environnement s’est tenue à Bogota en Colombie. La célébration a été organisée à l’occasion de l’année internationale de la biodiversité. Elle a été parrainée par un large éventail d’entités, dont la Banque mondiale, l’Union européenne, divers organismes colombiens gouvernementaux et non gouvernementaux, des universités, ainsi que des entreprises privées. On y a aussi présenté et célébré les liens entre la Terre et les Hommes à travers diverses activités, réparties sur les trois jours. Parmi elles : des présentations d’universitaires nationaux et internationaux, des concerts de musiciens célèbres et de groupes de rock populaires, ainsi que de nombreuses expositions portant sur des projets de développement et de conservation.

Les stands les plus grands et les plus attrayants étaient ceux des sociétés pétrolières et minières. Leurs affiches expliquaient comment leurs activités soutenaient une croissance économique durable, bénéficiant à la nation, au monde et aussi aux groupes locaux, y compris les communautés ethniques vivant dans les zones où ces entreprises opèrent. Concrètement, les activités minières étaient décrites comme l’occasion pour les communautés de profiter du développement des routes, des écoles, des logements et des soins.

Bien que les deux événements décrits ci-dessus aient été différents dans leur objectif et leur dimension, tous les participants ont invoqué le « développement durable » comme la solution aux problèmes majeurs du XXIème siècle. Lors de l’événement à Bogota, on comprenait la science, la technologie et la modernisation étaient les voies du développement durable. On y a insisté sur la mondialisation économique via des échanges et des marchés libres. Ce sont précisément ces formulations qui ont été remises en question lors de la réunion à Lima. Les participants ont souligné les conséquences inégales de l’exploitation minière et d’autres activités économiques fondées sur l’extraction des ressources.

De nombreux scientifiques et projets de développement, y compris ceux dans lesquels je suis impliqué avec le CIFOR (SLANTForests, Food Security and NutritionLandscapes), sont axés sur l’intégration de ces différentes approches dans le but d’aboutir à un développement durable. Ces approches techniques, orientées vers la politique, sont certes nécessaires, mais seront-elles suffisantes pour parvenir à un développement durable ? Je n’en suis pas sûr. Ce que je sais, c’est qu’être scientifique, c’est poser des questions difficiles sur nos réalités complexes.

Dans ce cas, cela signifie, d’une part, de questionner de manière critique la romance et la rhétorique associées au développement durable et, d’autre part, de comprendre dans quels contextes politique et historique ils s’inscrivent. Alors seulement, nous saurons si nos méthodes et techniques seront adéquates pour le défi majeur de notre époque : atteindre les ODD.

Note de la rédaction : cet articles est initialement paru sur le site du CGIAR.

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