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Quand l’atténuation du changement climatique éclipse l’adaptation

"Il faudrait radicalement changer les politiques climatiques nationales..."
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Groupe d’un atelier sur le changement climatique à Lukolela en RDC. Selon une étude du CIFOR, l’atténuation monopolise l’ordre du jour international, freinant la recherche de solutions d’adaptation. Ollivier Girard/CIFOR

NAIROBI, Kenya — Au cours de vos lectures sur le changement climatique, vous avez peut-être remarqué que les mots « atténuation » et « adaptation » ne sont jamais loin l’un de l’autre.

Les experts soulignent régulièrement la nécessité à la fois d’anticiper et de s’adapter au changement climatique. Néanmoins, une nouvelle étude menée par le Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR) montre que l’atténuation monopolise l’attention internationale, même dans les pays en voie de développement émettant relativement peu de GES.

Selon les auteurs de l’étude, ceci est préoccupant parce que l’adaptation vise à limiter les impacts négatifs du changement climatique sur les sociétés et les écosystèmes, qui sont potentiellement plus vulnérables dans les pays en voie de développement. 

La vulnérabilité des populations face au changement climatique est le résultat de la forte dépendance de leurs moyens de subsistance des modèles climatiques, du faible développement et de la mauvaise gouvernance

Anne Marie Tiani

Les chercheurs ont étudié les efforts d’atténuation et d’adaptation au changement climatique dans le bassin du Congo. Ils ont examiné l’avancement des projets et des initiatives favorisant l’adaptation, et ceux mettant l’accent sur l’atténuation, dont beaucoup sont liés à des programmes de Réduction des émissions issues de la déforestation et de la dégradation des forêts, ou REDD+.

Le Bassin du Congo abrite la deuxième plus grande forêt tropicale du monde, couvrant 227 millions d’hectares et capable de stocker environ 30 milliards de tonnes de carbone. Elle soutient directement les moyens de subsistance de 60 millions de personnes en fournissant du bois combustible, de la nourriture, des médicaments et des abris, tout en agissant comme un filet de sécurité en période de crise ou d’urgence.

« La vulnérabilité des populations face au changement climatique dans le bassin est le résultat de nombreux facteurs tels que la forte dépendance de leurs moyens de subsistance des modèles climatiques, le faible développement et la mauvaise gouvernance », déclare Anne Marie Tiani, scientifique chevronné au CIFOR et coauteur de l’étude.

L’étude a identifié 94 programmes et activités nationaux liés à l’atténuation (principalement des initiatives de REDD+) dans les six pays du Bassin du Congo, contre seulement 11 liés à l’adaptation.

Alors que l’adaptation a gagné plus d’importance au niveau international, l’étude note que dans de nombreux pays en voie de développement, les politiques et projets d’adaptation ont du mal à émerger en raison de l’absence de données pertinentes sur la vulnérabilité des populations locales face au changement climatique.

UN DÉSÉQUILIBRE PRÉOCCUPANT

Alors que certains pays en voie de développement sont en train d’établir des stratégies pour se préparer à la REDD+ en vertu de la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique, les pays du Bassin du Congo ont une capacité très limitée à faire de même et ils ont une expérience plus faible de l’adaptation, selon les auteurs. 

L’étude constate également un déséquilibre entre les montants investis dans les deux approches.

En utilisant les données de la mise à jour 2013 du Fonds pour le climat notamment, les auteurs ont par exemple constaté qu’entre 2012 et 2013, les financements disponibles pour l’atténuation dans les pays en voie de développement s’élevaient à 39,1 milliards de dollars, tandis que ceux pour l’adaptation s’élevaient tout juste à 3,4 milliards de dollars.


Initiatives, activités et projets de REDD+ dans le bassin du Congo :

  • Partenariat REDD+ : plate-forme intermédiaire pour les pays partenaires visant à intensifier les actions et les financements relatifs à la REDD+ dans les pays en voie de développement
  • Programme ONU-REDD : lancé en 2008 pour aider les pays en voie de développement à se préparer et à mettre en œuvre des stratégies REDD+, 53 pays partenaires
  • Fonds Forestier pour le Bassin du Congo : lancé en 2008 avec une subvention de 100 millions de livres sterling des gouvernements du Royaume-Uni et de la Norvège
  • Programme d’investissement forestier : programme du Fonds stratégique pour le climat (fonds fiduciaire à donateurs multiples s’inscrivant dans le cadre du Fonds d’investissement pour le climat), mis en œuvre par des banques multilatérales internationales, dont la Banque africaine de développement

Initiatives et projets d’adaptation dans le Bassin du Congo :

  • Programme d’adaptation Africain : lancé en 2008 par le PNUD, en partenariat avec l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel, l’UNICEF et le Programme alimentaire mondial, avec le soutien du Japon dans le cadre de son initiative Partenariat Cool Earth (dans le bassin du Congo, seuls la RDC et le Cameroun y participent)
  • Le programme Adaptation au changement climatique en Afrique : vise à améliorer la capacité d’adaptation au changement climatique des pays africains et à bénéficier aux plus vulnérables (dans le bassin du Congo, le Cameroun, la RD Congo et la République centrafricaine y participent)

Les auteurs constatent également que l’adaptation et la REDD+ semblent évoluer parallèlement comme des processus distincts dans le Bassin du Congo, alors qu’il serait nécessaire de les lier étroitement pour créer une synergie.

IL FAUT DES SOLUTIONS A L’ADAPTATION

La lenteur du progrès de la promotion de l’adaptation s’explique par plusieurs facteurs. Les auteurs soulignent un manque évident de recherches de solutions d’adaptation. Le soutien politique de l’adaptation est également insuffisant et / ou les gestionnaires de projet y portent peu d’intérêt. Les initiatives d’adaptation au sein des approches de développement sont souvent assez vagues et ne bénéficient pas d’un cadre national structuré comme c’est le cas pour la REDD+. 

Il faudrait changer radicalement les politiques, les stratégies et les procédures climatiques nationales pour accroître les interactions entre l'adaptation et l'atténuation

Anne Marie Tiani

Les initiatives de REDD+ sur l’atténuation ont tendance à dominer les discours politiques et les projets relatifs au changement climatique dans la région. Ces initiatives visent directement l’amélioration de la gestion durable des forêts et la réduction des émissions de carbone résultant de la déforestation et de la dégradation des forêts. En outre, elles œuvrent en faveur des actions visant à préparer les pays à participer à la REDD+, avec un nombre relativement élevé d’initiatives pour mesurer, rapporter et vérifier les activités.

« Il faudrait changer radicalement les politiques, les stratégies et les procédures climatiques nationales pour accroître les interactions entre l’adaptation et l’atténuation », déclare Mme Tiani.

« L’une des priorités est de mieux quantifier les compromis entre l’adaptation des population et les objectifs relatifs au carbone, puisque certains projets de REDD+ risquent d’aggraver la vulnérabilité des populations face aux facteurs multiples de stress, dont le changement climatique fait partie. »

Pour plus d’informations sur ces recherches, veuillez contacter Anne Marie Tiani à l’adresse a.tiani@cgiar.org.

Les recherches du CIFOR sur les régimes fonciers s’inscrivent dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie.

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