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Une aubaine pour les jeunes scientifiques du Bassin du Congo

Le Cameroun a désormais un nouveau et premier labo de recherche axé sur les émissions de GES.
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Dans le nouveau laboratoire camerounais, les chercheurs peuvent analyser les sols, mesurer les émissions de gaz à effet de serre et évaluer les impacts environnementaux de différentes utilisations des terres dans le Bassin du Congo. Photo : Fai Collins / CIFOR

YAOUNDÉ, Cameroun – On a dépensé beaucoup de temps (et des millions de dollars) pour déterminer comment atténuer et s’adapter au changement climatique dans le Bassin du Congo, en Afrique centrale.

Désormais un centre de recherche, le premier du genre dans la région, rentabilise cet investissement. Il permettra aux scientifiques d’étudier les émissions de gaz à effet de serre spécifiques à l’Afrique centrale. Ce nouveau laboratoire fait suite au nouveau laboratoire ouvert au Kenya – une autre première.

Basé dans la capitale camerounaise, Yaoundé, le nouveau site d’Afrique centrale est le fruit d’une collaboration remarquable entre des partenaires internationaux de recherche.

Avec le soutien financier du Centre de recherche forestière internationale (CIFOR), l’institut allemand Karlsruhe Institute of Technology (KIT) a installé le laboratoire, hébergé par le frère du CIFOR, le centre CGIAR et le partenaire du KIT, l’International Institute of Tropical Agriculture (IITA). Chacun d’eux a coopéré étroitement et échangé son expertise de l’analyse des sols avec l’Université de Dschang au Cameroun.

Ces laboratoires ne sont peut-être qu'un premier pas, mais un premier pas important

Mariana Rufino

Les chercheurs peuvent maintenant analyser localement les sols et d’autres échantillons, mesurer les émissions de gaz à effet de serre des forêts, les forêts dégradées et les différents paysages agricoles, tout en évaluant les impacts environnementaux des différentes utilisations des terres dans le Bassin du Congo, qui héberge la deuxième plus grande zone de forêt tropicale au monde.

C’est quelque chose de totalement inédit dans la région. Alors qu’il y a eu des études préliminaires pour estimer comment les différents types d’utilisations des terres affectent les stocks de carbone, personne n’avait étudié comment les pratiques de gestion des sols, la nature de la couverture terrestre et son utilisation affectent les émissions de gaz à effet de serre.

« Cette recherche avant-gardiste n’aurait tout simplement pas pu voir le jour sans ce nouveau laboratoire », explique Denis Sonwa qui mène ce projet pour le CIFOR, un élément clé dans la Etude comparative mondiale sur la REDD+.

L’équipe de recherche, composée de chercheurs du CIFOR, d’étudiants et de membres des universités de Dschang et du KIT, utilise maintenant pleinement le laboratoire high-tech pour étudier comment la conversion des forêts du Bassin du Congo en terres agricoles accroît les émissions de gaz à effet de serre. 

Nous pouvons quantifier les effets de la déforestation sur les émissions de gaz à effet de serre. Mais nous pouvons aussi identifier des options de gestion pour la région qui permettraient d'accroître les rendements des cultures et de minimiser les coûts environnementaux

Michael Dannenmann

Face aux efforts engagés pour intensifier l’agriculture et accroître la production de nourriture dans la région, le CIFOR et ses partenaires ont jugé extrêmement important d’explorer des moyens de répondre aux questions corrélées de conversion forestière, intensification de l’agriculture durable et émission de gaz à effet de serre des sols dans le Bassin du Congo.

« Notre travail sur les gaz à effet de serre évolue, les analyses sur le sol et l’eau nous apportent des résultats qui ont deux conséquences importantes », explique le scientifique du KIT Michael Dannenmann qui a coordonné l’installation du nouveau laboratoire. « D’abord, nous pouvons quantifier les effets de la déforestation sur les émissions de gaz à effet de serre. Mais nous pouvons aussi identifier des options de gestion pour la région qui permettraient d’accroître les rendements des cultures et de minimiser les coûts environnementaux. »

Selon la scientifique du CIFOR Mariana Rufino, cet établissement – et la recherche qui en découle – est important au-delà des frontières du Cameroun et même de la région du Congo.

« Cette recherche est importante pour l’ensemble de la planète, dit-elle, parce que les forêts de la région d’Afrique centrale sont très importantes pour le système climatique. Jusqu’à présent, il n’y avait pas les moyens de collecte des données nécessaires pour prendre de bonnes décisions sur la gestion des forêts, il n’y avait aucun moyen de mesurer l’impact de la perte des forêts sur notre climat. »

FORÊTS INESTIMABLES

Il est presque impossible d’exagérer la valeur des forêts du Bassin du Congo. En plus du trésor de biodiversité qu’elles hébergent, elles sont vitales aux efforts mondiaux pour lutter contre le changement climatique. Leur pouvoir d’atténuer le réchauffement mondial est énorme, car on estime qu’elles stockent 30 milliards de tonnes métrique de carbone . Elles fournissent des moyens de subsitance directs à 60 millions de personnes, en leur apportant des produits vitaux (combustible, nourriture, médicaments et abri) et en jouant le rôle d’assurance vie en temps de crise.

Et alors que les taux de déforestation sont toujours relativement bas dans la région du Bassin du Congo en général (environ 0,17% par an entre 2000 et 2005), cela risque de ne pas durer. Les scientifiques prédisent que les motifs de déforestations vont s’accroître, comme les demandes croissantes en extraction de bois de chauffage autour des vastes zones urbaines, la hausse de la population, davantage d’abattages en zones rurales et donc plus de conversions de forêts en terres agricoles et un changement des cultures menant à la dégradation et la fragmentation des forêts.

Ajoutez à cela les impacts prévus du changement climatique, qui devrait provoquer des pertes économiques, sociales et environnementales dont les habitants de la région ne seront pas épargnés. Ces dernières années, des investissements ont été réalisés pour essayer d’établir des programmes régionaux pour réduire les émissions causées par la déforestation et la dégradation des forêts (REDD+), mais ont ne sait pas encore s’ils seront une réussite.

Selon la Banque mondiale, la population du Bassin du Congo devrait doubler entre 2000 et 2030. 170 millions de personnes auront bientôt besoin de nourriture, d’énergie, d’un toit et d’un emploi dans la région. Cette dernière devrait aussi entrer dans un nouveau cycle de développement, avec davantage d’exposition au marché international et des facteurs économiques mondiaux qui amèneront davantage d’investissements dans le Bassin du Congo. 

Ces laboratoires permettent à des scientifiques de collecter en Afrique les données nécessaires pour que les gouvernements reconnaissent l'importance du changement d'utilisation des terres et ce que cela signifie pour le changement climatique

Mariana Rufino

Comprendre comment tout cela affectera la région – ses forêts, ses émissions de gaz à effet de serre, sa population, leurs moyens de subsistance et leur vulnérabilité face au changement climatique – n’a jamais été aussi urgent.

D’où la valeur capitale du laboratoire de recherche environnemental CIFOR/KIT à Yaoundé.

UN PETIT PAS

En plus d’avoir ouvert ce centre et d’offrir un accompagnement dans la conception du travail de terrain, KIT apporte aussi son expertise sur l’utilisation de l’équipement sophistiqué de mesure de flux de gaz à effet de serre. Ainsi, le laboratoire assure non seulement un transfert de technologie réussi, mais constitue également un lieu où la prochaine génération de scientifiques et techniciens de l’environnement de la région pourra parfaire ses compétences en recherche sur l’environnement et le changement climatique.

Le laboratoire de Yaoundé n’est pas un établissement isolé. Le CIFOR, le KIT et leurs partenaires travaillent ensemble à la réalisation d’un plan plus ambitieux et sur le long terme : développer un réseau d’expertise et d’établissements qui pourraient aider à construire un outils de recherche sur le changement climatique à travers l’Afrique et à renforcer la coopération entre états africains.

Le laboratoire camerounais complète le travail d’un centre d’excellence sur la recherche environnementale plus vaste et ouvert récemment au Kenya. Le Centre Mazingira – traduction swahili d’ « environnement » – est le premier du genre en Afrique de l’Est.

« Ces laboratoires et leurs projets de recherche sont des premiers petits pas », selon Rufino. « Ils permettent à des scientifiques de collecter en Afrique les données nécessaires pour que les gouvernements reconnaissent l’importance du changement d’utilisation des terres et ce que cela signifie pour le changement climatique, afin qu’ils puissent prendre des décisions et des mesures judicieuses. Donc oui, cela n’est peut-être qu’un premier pas, mais un premier pas important. »

Bien que le laboratoire soit utilisé par des scientifiques du CIFOR, il propose aussi aux chercheurs en herbe de différentes universités du Cameroun de renforcer les compétences sur la biodiversité et le changement climatique.

Pour plus d’informations sur le travail du CIFOR au Cameroun, veuillez contacter Mariana Rufino à l’adresse m.rufino@cgiar.org ou Denis Sonwa sur d.sonwa@cgiar.org.

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