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Miam, des larves !

Au Cameroun, on les déguste mijotées ou à la poêle car elles sont riches en nutriments essentiels.
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Une assiette pleine de larves du charançon, prêtes à être mangées. Les chercheurs du CIFOR au Cameroun ont élaboré une nouvelle technique pour améliorer l’élevage de ces larves. Hoddle Lab, UC Riverside/creative commons

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Les larves du charançon des palmiers sont, pour plusieurs, le genre de créature que vous piétineriez si vous les voyiez se tortiller à proximité de votre cuisine. Mais selon le scientifique Fogoh John Muafor vous auriez alors gaspillé un bon repas.

« Vous pouvez les rôtir sur un feu, les faire mijoter ou les faire sauter à la poêle avec des tomates ou les manger tout simplement tel quel », explique M. Muafor, auteur principal d’une nouvelle étude portant sur le commerce et l’élevage des larves de charançon des palmiers au Cameroun.

Malgré leur apparence d’asticot, les larves, que l’on trouve dans les troncs en décomposition des raphias et des palmiers à huile, sont extrêmement riches en nutriments essentiels.

« La saveur est difficile à décrire, mais elle ressemble à celle des écrevisses. »

Les « produits alimentaires » issus des forêts, par exemple les chenilles, termites et sauterelles, sont essentiels aux moyens de subsistance dans le Bassin du Congo. Ici, plus de 90 % des personnes dépendent des ressources naturelles pour l’alimentation, la médecine et pour générer des revenus. Les charançons des palmiers sont particulièrement prisés et contiennent des taux de protéines, de glucides, de lipides et d’énergie comparables à ceux du bœuf et du poisson.

La demande pour les larves augmente – et avec elle le prix. En raison de sa grande valeur économique, l’exploitation des larves est actuellement considérée aussi importante que la chasse, la pêche et l’élevage. 

Les exploitants autochtones abattent parfois un raphia sain pour récupérer seulement quelques larves dans son tronc. Parfois il n'y en a aucune :  le gaspillage est énorme

Patrice Levang

Toutefois, la récolte des larves engendre un coût environnemental puisque les raphias sont souvent abattus en grand nombre pour la production de larves.

« Les exploitants autochtones abattent parfois un raphia sain pour récupérer seulement quelques larves dans son tronc. Parfois il n’y en a aucune :  le gaspillage est énorme », affirme Patrice Levang, scientifique au Centre de Recherche Forestière Internationale et coauteur de l’étude.

« Il existe également des méthodes de semi-élevage selon lesquelles les exploitants coupent intentionnellement des raphias sains afin qu’ils se décomposent, ce qui incite les charançons à y pondre leurs œufs. Ceci est un peu plus efficace, mais résulte toujours en un grand nombre de coupes.

« Les zones marécageuses du Cameroun abritent diverses espèces animales et végétales ; les raphias forment une partie importante de l’écosystème. Avec la perte des arbres, le niveau d’eau monte, ce qui rend la région plus vulnérable face aux inondations. »

UN RÉGAL EN BOÎTE

Pour promouvoir la production de larves tout en réduisant les dommages causés à l’écosystème de raphias, le CIFOR, le Living Forest Trust (LIFT) et l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) ont établi un partenariat. Ils ont développé des méthodes et techniques durables, décrites dans l’étude de MM. Muafor et Levang.

Ces systèmes, qui ont été testés dans des communautés villageoises sélectionnées dans le bassin du fleuve Nyong, impliquent l’élevage de charançons des palmiers adultes dans des boîtes en plastique contenant des fibres frais de raphia.

Au cours de l’étude, une seule tige de raphia utilisée comme substrat dans les boîtes s’est avérée produire en moyenne un total de 276 larves, soit plus de cinq fois le rendement d’une tige de raphia dans le système semi-agricole et presque huit fois supérieure au rendement obtenu par la méthode traditionnelle de collecte.

« C’est une amélioration majeure », affirme M. Muafor. « Bien sûr, cela facilite considérablement le processus de collecte. »

« Avant, les collecteurs devaient patauger dans les marais où ils risquaient d’être mordus par des serpents. Durant la saison des pluies, l’accès se détériore et l’approvisionnement en larves baisse, ce qui fait monter les prix. »

Pour les exploitants professionnels de larves, qui gagnent entre 90 000 (153 $) et 300 000 francs par mois, les nouvelles méthodes représentent une opportunité économique importante. 

Avant les collecteurs devaient patauger dans les marais où ils risquaient d'être mordus par des serpents

Fogoh John Muafor

Sur les marchés ruraux, les larves sont négociées à plus de 5 000 francs le kilo, presque le double du prix de la viande bovine qui s’élève à 3 000 francs le kilo.

À Yaoundé, la capitale du Cameroun, un paquet de 25 à 30 larves coûte environ 1 500 francs durant la saison sèche et 2 500 durant la saison des pluies (durant laquelle l’offre diminue).

« Désormais, il est possible d’élever des larves toute l’année », déclare Levang.

« Le système est apprécié dans les zones d’essai et nous prévoyons d’étendre le programme sur trois autres villages. »

« Ma seule crainte est qu’en raison de l’efficacité des techniques agricoles, l’élevage des larves devienne si répandu que la pression exercée par l’exploitation des palmiers raphia reste la même, voire augmente au fil du temps. »

« Mais je suppose que c’est le prix du succès. »

DES LARVES, DE LA BOUFFE

Un certain nombre d’insectes sont consommés en Afrique centrale. Toutefois, les larves de charançon des palmiers sont probablement les plus populaires, selon M. Levang et M. Muafor qui ont également publié une étude sur le Augosoma centaurus (ou scarabée rhinocéros).

Bien qu’ils aient documenté que l’appétit local pour les coléoptères croquants a diminué, le commerce des charançons continue de croître.

Cette nouvelle méthode de production à haut rendement permet de produire des larves durant toute l’année. Ceci renforce leur position à titre d’alternative importante comme source de protéines, ainsi que de revenus, au Cameroun.

L’avenir de la spécialité camerounaise qui consiste en des brochettes grillées de larves (trois ou quatre sur un bâton) et les bénéfices que cela apporte aux vendeurs ambulants et aux restaurants de haut de gamme semblent être assurés.

Personnellement, Fogoh John Muafor en est très satisfait.

« Parmi les insectes comestibles, les larves du charançon des palmiers sont considérées comme une spécialité gastronomique », dit-il.

« J’en apporte toujours de mes voyages de recherche pour ma propre consommation et, personnellement, je les recommande. »

Pour plus d’informations sur les sujets de ces recherches, veuillez contacter Fogoh John Muafor à l’adresse muafor1@yahoo.com ou Patrice Levang à p.levang@cgiar.org.

Ces recherches s’inscrivent dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie.

 

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