Mondialisation, concessions forestières, organisations de conservation et populations locales

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Photo:Jan van der Ploeg/CIFOR

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Une opinion fréquemment répandue dans les pays développés est que les organisations de conservation « font du bien » lorsqu’elles proposent des activités de développement à petite échelle pour améliorer les conditions de vie des populations locales dans les zones forestières éloignées, comme dans le Sud-Est du Cameroun. De même, les concessions forestières sont souvent vues comme sources de conflit à propos de l’utilisation des ressources ou de la dégradation environnementale alors qu’elles affirment promouvoir le développement local, sans que cela se traduise vraiment dans la réalité. On considère aussi que de nombreuses régions éloignées, comme en Afrique centrale, sont un peu à l’abri des ravages causés par les crises et les cycles financiers qui agitent notre monde développé alors qu’elles souffrent quand même du pillage de leurs ressources naturelles sans en tirer beaucoup d’avantages au plan local.

Deux articles publiés récemment  par des équipes de scientifiques appartenant à divers instituts (Sayer et al. 2012, Lescuyeret al. 2012) brossent un tableau tout en nuances et plus complexe que ce stéréotype, assez différent du point de vue général bien tranché, en noir et blanc, sur les relations entre les secteurs, l’environnement et les populations locales des forêts tropicales.

Lescuyer et al. montrent que l’amélioration des moyens de subsistance dans les forêts du Cameroun dépend principalement de facteurs macro-économiques tels que le prix des denrées, une meilleure infrastructure routière et de nouvelles techniques agricoles. Les populations locales ne dépendent pas autant de la forêt qu’on le suppose généralement, et les concessionnaires, sans tenir toutefois tous leurs engagements, n’empêchent pas les villageois de profiter de nouvelles opportunités économiques ou d’utiliser les ressources forestières, du moment que leurs interventions n’affectent pas l’exploitation forestière. On pourrait qualifier leur attitude d’indifférence « bienveillante ».

Dans leur article, Sayer et al. expliquent que l’investissement direct étranger est la clé pour faire sortir de la pauvreté les populations de ces régions éloignées et, en refusant cet investissement, les organisations de conservation maintiennent peut-être les populations dans la misère. En même temps, la mondialisation atteint les populations les plus pauvres des régions les plus éloignées en les exposant à la volatilité des marchés mondiaux. Par exemple, la faillite d’ENRON aux États-Unis a entraîné dans sa chute la mine de cobalt de Lomié au Cameroun dans laquelle il avait investi et qui a fermé quelques mois après. Dans cette même région, la suspension de l’exploitation forestière provoquée par la crise financière a contribué à une détérioration des indicateurs de la biodiversité et des moyens de subsistance car les personnes ayant perdu leur emploi sont repris le braconnage et le déboisement pour vivre.

Ces deux articles notent certains impacts négatifs quand les activités forestières ne sont pas menées correctement, mais ceux-ci semblent relativement modestes comparativement aux effets bénéfiques potentiels d’une exploitation forestière satisfaisante (par exemple, cas des concessions certifiées). La contribution des activités forestières à l’économie locale a plus d’impact sur les conditions de vie des populations locales que certains petits projets d’éco-développement soutenus par des ONG de conservation.

Il ne faut pas pour autant mettre de côté ces activités de développement à petite échelle car elles facilitent le dialogue entre deux opinions divergentes sur la nature et l’avenir et peuvent contribuer à l’autonomisation locale nécessaire afin que ces populations puissent décider par elles-mêmes des futures interventions. On doit toutefois être conscient que l’avenir de la conservation et des conditions de vie dans ces régions forestières éloignées sera conditionné, en partie au moins, par des investissements extérieurs bien étudiés. Des investissements responsables et des pratiques forestières adaptées peuvent en effet permettre de créer les conditions d’un meilleur avenir pour ces populations et ces forêts, et inciter les investisseurs à passer de l’indifférence bienveillante à une attitude plus proactive favorisant le développement local. Une plus grande collaboration au niveau local sera nécessaire entre les acteurs de la conservation, du secteur, de l’État et des communautés, qui auront tous voix au chapitre, et devront laisser de côté tout préjugé. Les deux articles remarquent que ce ne sera ni facile ni rapide à réaliser mais un progrès significatif peut être accompli avec un investissement très modéré. Le nombre des entreprises d’exploitation forestière qui sont certifiées et plus attentives aux besoins et aux aspirations des communautés locales est en hausse. C’est déjà bon signe.

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